Valmore (Ondine)
Ondine Valmore
La voix
(février 1846)
La neige au loin couvre la terre nue;
Les bois déserts étendent vers la nue
Leurs grands rameaux qui, noirs et déparés,
D'aucune feuille encor ne sont parés;
La sève dort et le bourgeon sans force
Est pour longtemps engourdi sous l'écorce;
L'ouragan souffle en proclamant l'hiver
Qui vient glacer l'horizon découvert.
Mais j'ai frémi sous d'invisibles flammes:
Voix du printemps qui remuez les âmes,
Quand tout est froid et mort autour de nous.
Voix du printemps, ô voix, d'où venez-vous?
Rien n'a prédit le jour de délivrance;
Aucun rayon n'a parlé d'espérance;
La cloche encor garde l'accent plaintif,
Que lui donna l'écho longtemps oisif.
Rien ne s'émeut: le nid de l'hirondelle,
Vide et muet, ne se souvient plus d'elle;
La terre enfin, n'ayant rien à couver,
Dort immobile et sans même rêver.
D'où peut venir cette joie imprévue,
Frappant mon coeur quand tout glace ma vue?
Si les frimas doivent régner longtemps,
D'où venez-vous, douce voix du printemps?
D'où venez-vous, harmonieuse ivresse?
Des chants lointains ineffable promesse?
D'où venez-vous, puisque vous n'êtes pas
Leurs premiers sons qui s'accordent tout bas?
Ah! je le sens, voix douces et profondes,
Vous ne sortez ni des airs ni des ondes;
Votre hymne pur s'élève, détaché
D'un instrument plus intime et cahché;
Vibrant, joyeux sous une main suprême,
Cet instrument n'est autre que moi-même;
Et le printemps dont je rêve la fleur
N'élève encor sa voix que dans mon coeur!
Les Cahiers de
Ondine Valmore
avec une introduction et des notes de
Albert Caplain
Paris, CH. Bosse libraire
1932
(Gallica )
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